L’Algérie lance une offensive stratégique vers sa diaspora en France : Enjeux et perspectives
En ciblant les investisseurs et porteurs de projets parmi sa diaspora en France, l’Algérie développe une stratégie à double tranchant : renforcer les liens entre les expatriés et leur patrie d’origine tout en bénéficiant de leur expertise pour diversifier l’économie nationale.
Une main tendue à travers la Méditerranée
Le consulat général d’Algérie à Lyon a été le théâtre, ce samedi 19 avril, d’une initiative emblématique de la nouvelle stratégie économique algérienne. Deux tables rondes y ont été organisées pour présenter aux talents algériens de France les multiples opportunités d’investissement qu’offre désormais leur pays d’origine.
Cette démarche s’inscrit dans un contexte particulier où les relations franco-algériennes traversent une période de tensions qui n’épargnent pas la communauté algérienne établie en France, parfois ciblée par des discours extrémistes. Pour Alger, il s’agit donc aussi d’une opération de reconquête des cœurs et des esprits.
“Marché en plein essor, l’Algérie se positionne comme une destination idoine pour les investisseurs en quête de nouvelles opportunités économiques” – Consul général d’Algérie à Lyon
Le modèle Zaghib : transformer l’exil des cerveaux en atout stratégique
L’Algérie mise beaucoup sur l’expertise de sa diaspora pour accélérer son développement économique. L’exemple de Karim Zaghib illustre parfaitement cette stratégie. Ce chercheur algérien installé au Canada, considéré comme l’un des meilleurs spécialistes mondiaux de la batterie, a récemment apporté son savoir-faire au développement de la filière lithium algérienne.
Un cas d’école que les autorités espèrent voir se multiplier dans les secteurs stratégiques pour l’avenir économique du pays :
- Technologies numériques
- Énergies renouvelables
- Industrie pharmaceutique
- Agroalimentaire
- Économie verte
Une mobilisation gouvernementale de haut niveau
La présence virtuelle de deux membres du gouvernement aux tables rondes de Lyon témoigne de l’importance accordée à cette initiative :
- Sofiane Chaib, secrétaire d’État chargé de la Communauté nationale à l’étranger
- Noureddine Ouadah, ministre de l’Économie de la Connaissance, des Start-up et des Micro-entreprises
Le message porté par ces responsables gouvernementaux est sans ambiguïté : il existe “une forte volonté politique qui anime les hautes autorités du pays” pour inciter les Algériens expatriés à “saisir les opportunités d’investissement disponibles dans les différents secteurs”.
Un écosystème dédié pour soutenir les entrepreneurs de la diaspora
Pour accompagner cette ambition, l’Algérie a mis en place tout un arsenal d’organismes et de dispositifs destinés à faciliter l’investissement des membres de sa diaspora :
Structures d’accompagnement
- Le Fonds algérien des start-up (ASF)
Un mécanisme de financement spécifiquement dédié aux projets innovants. - L’accélérateur public des start-up Algeria Venture (AV)
Une structure d’accompagnement pour les entrepreneurs technologiques. - L’Agence nationale de l’auto-entrepreneur (ANAE)
Un dispositif simplifié pour faciliter la création d’entreprise.
“Les Algériens de la diaspora peuvent bénéficier de toutes les incitations financières et fiscales garanties par l’État”, a assuré le ministre Ouadah, soulignant que cette diaspora “constitue un partenaire clé du secteur des start-up dans plusieurs projets réussis”.
Les atouts de l’Algérie mis en avant
Lors de cette rencontre, plusieurs avantages compétitifs de l’Algérie ont été soulignés pour séduire les investisseurs potentiels :
- Une démographie dynamique avec un marché intérieur de 47 millions d’habitants
- Une position géographique stratégique aux portes de l’Europe et de l’Afrique
- Des ressources naturelles abondantes et diversifiées
- Une main d’œuvre qualifiée et accessible
- Des talents dans diverses spécialités
Des réformes économiques pour créer un environnement favorable
Pour concrétiser ces ambitions, le gouvernement algérien a engagé une série de réformes visant à améliorer le climat des affaires et à faciliter l’accès à l’investissement. Le consul a notamment évoqué les dernières décisions annoncées par le président Abdelmadjid Tebboune lors de la rencontre des opérateurs économiques organisée le 13 avril à Alger :
Mesures phares récemment adoptées
- Dissolution d’Algex (l’agence nationale de promotion du commerce extérieur)
- Création de deux nouvelles instances chargées respectivement des exportations et des importations
- Autorisation de création de banques privées
- Poursuite de l’ouverture du capital des banques publiques
- Mise en place de conditions favorables à l’émergence d’une nouvelle génération d’hommes d’affaires
Ces mesures témoignent d’une libéralisation progressive mais déterminée de l’économie algérienne, avec un cadre législatif désormais qualifié de “très attractif” par les autorités.
Entre économie et identité : les enjeux d’une reconquête
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Cette offensive économique envers la diaspora dépasse largement le cadre strictement financier. Elle s’inscrit dans une stratégie plus globale visant à maintenir et renforcer les liens identitaires entre l’Algérie et ses ressortissants établis à l’étranger, notamment les nouvelles générations.
Dans un monde où le soft power devient un outil d’influence majeur, la diaspora peut constituer un relais précieux pour l’image internationale de l’Algérie et ses ambitions économiques régionales.
Perspectives et défis
Si l’initiative lyonnaise marque une étape importante dans cette stratégie de séduction, plusieurs défis restent à relever pour transformer ces intentions en réussites concrètes :
- La simplification effective des procédures administratives, souvent citée comme un obstacle majeur par les investisseurs potentiels
- La stabilité du cadre réglementaire pour rassurer les entrepreneurs sur la pérennité des dispositifs mis en place
- L’accompagnement sur le terrain pour faciliter l’implantation des projets
- La coordination entre les différentes structures impliquées dans le soutien aux investisseurs
Ce qu’en pensent les entrepreneurs de la diaspora
Les réactions au sein de la diaspora algérienne sont contrastées. Si certains voient dans ces initiatives une opportunité unique de contribuer au développement de leur pays d’origine tout en développant leur activité, d’autres restent plus prudents, attendant de voir la concrétisation effective des réformes annoncées.
“J’observe avec intérêt ces évolutions, mais je souhaite voir des exemples concrets de réussite avant de me lancer” – Nadir K., entrepreneur tech basé à Paris
Conclusion : un pont économique par-dessus les tensions diplomatiques
Cette main tendue vers la diaspora algérienne de France illustre une vision stratégique qui transcende les tensions diplomatiques conjoncturelles entre les deux pays. En cherchant à transformer sa diaspora en levier de développement économique, l’Algérie reconnaît enfin le potentiel immense que représentent ces millions d’Algériens établis à l’étranger.
L’avenir dira si cette stratégie parviendra à convaincre ces entrepreneurs et talents pris entre deux rives, entre attachement au pays d’origine et intégration dans leur société d’accueil. Mais une chose est certaine : l’Algérie n’entend plus laisser sa diaspora à la périphérie de son développement économique.
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