l’équilibre diplomatique d’Alger entre Washington et Moscou"

Algérie : l’équilibre Washington–Moscou (2023-2025)

Au lendemain de l’invasion russe de l’Ukraine, la diplomatie algérienne s’est retrouvée sous les projecteurs. D’un côté, Alger signe un accord militaire inédit avec Washington ; de l’autre, elle continue d’acheter armes et technologies à Moscou. Entre gazoducs vers l’Europe, crises au Sahel et rivalités des grandes puissances, l’Algérie cultive un savant numéro d’équilibriste. Plongeons dans les coulisses de ce grand écart.


1. Pourquoi l’Algérie est devenue incontournable

  • Gaz pour l’Europe : en 2024, Alger a fourni près d’un cinquième du gaz acheminé par gazoduc vers l’UE, profitant du vide laissé par Moscou.
  • Siège au Conseil de sécurité : depuis janvier 2024, l’Algérie siège à l’ONU. Sa neutralité est donc scrutée de près.
  • Crises sahéliennes : retraits occidentaux, arrivée de mercenaires russes, coups d’État… Le voisinage sud d’Alger est plus volatil que jamais.

2. Le rapprochement express avec Washington

Des visites au plus haut niveau

Entre 2023 et 2025, le secrétaire d’État Antony Blinken, le chef d’AFRICOM Michael Langley et même le patron de la CIA William Burns se sont succédé à Alger. En retour, le ministre algérien des Affaires étrangères a inauguré un Dialogue stratégique à Washington.

Un accord militaire sans précédent

Le 22 janvier 2025, l’armée algérienne et AFRICOM ont signé un Memorandum of Understanding. Au programme : échanges de renseignement, exercices conjoints, commissions annuelles… Un pas historique pour un pays longtemps méfiant envers l’OTAN.

Les affaires suivent

  • Sonatrach-ExxonMobil : exploration gazière dans le Sud algérien.
  • Sonatrach-Chevron : projets offshore en Méditerranée.
  • Air Algérie-Boeing : dix nouveaux appareils pour moderniser la flotte.

3. La Russie, partenaire ancien mais fragile

Un fournisseur d’armes toujours dominant

Les chasseurs, chars et systèmes anti-aériens russes constituent encore la colonne vertébrale de l’armée algérienne. De nouveaux contrats ont été signés lors de la visite d’Abdelmadjid Tebboune à Moscou en juin 2023.

L’absence remarquée du 9 mai 2025

Pour la grande parade militaire du Kremlin, le président algérien n’était pas à Moscou. Un choix révélateur : Alger veut garder sa neutralité alors que la guerre en Ukraine s’enlise.

Des inquiétudes au Sahel

La présence des mercenaires russes au Mali ou en Libye renforce l’idée, à Alger, qu’il vaut mieux ne pas dépendre d’un seul partenaire stratégique.


4. Les raisons d’un équilibre difficile

FacteurCe que gagne l’AlgérieDanger d’un mauvais dosage
Sécurité au SahelRenseignement et drones USRompre avec Moscou, perte d’armements
Gaz vers l’UERecettes records, influence à BruxellesDépendance aux marchés européens
Modernisation militaireNouvelle formation occidentaleRisque de sanctions CAATSA si achats russes massifs
Image régionaleRôle de médiateur, soft powerFin du non-alignement historique

5. Ce qui nous attend d’ici 2030

Pour le Maghreb et l’Europe

Washington devra ménager Rabat et Alger à parts égales pour éviter de raviver la rivalité maroco-algérienne. Côté européen, la fiabilité du gaz algérien restera un enjeu central de la transition énergétique.

Pour les grandes puissances

  • Moscou cherchera à conserver son lucratif marché d’armes et pourrait proposer davantage de transferts de technologie.
  • Washington voit dans son accord de 2025 un premier pas pour réduire l’influence russe (et chinoise) en Afrique du Nord.

Trois scénarios possibles

  1. Équilibre durable (le plus probable) : Alger diversifie ses relations tout en gardant ses S-400 russes.
  2. Virage occidental : des retards de livraison russes poussent l’Algérie vers l’OTAN.
  3. Retour vers Moscou : un désengagement américain au Sahel ramènerait Alger dans l’orbite russe.

Conclusion

En trois ans, l’Algérie est passée du statut de « partenaire discret » à celui de pivot stratégique entre Washington et Moscou. Son art du grand écart lui assure pour l’instant une marge de manœuvre enviable : financement de son économie gazière, modernisation militaire, influence régionale. Reste à voir si, dans un monde toujours plus polarisé, Alger pourra continuer à jongler ainsi sans être sommée de choisir son camp.

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